MicroStrategy : le destin du plus grand baleine de bitcoin au monde
Rédigé par : Clow
670 000 bitcoins, soit environ 3,2 % de l’offre totale mondiale.
C’est le nombre de bitcoins détenus par MicroStrategy (désormais renommée Strategy Inc.) à la mi-décembre 2025. Première société cotée au monde à avoir adopté le bitcoin comme principal actif de réserve, cet ancien fournisseur de logiciels d’intelligence économique s’est complètement transformé en une « entreprise opérant des montages financiers structurés autour du bitcoin ».
Ce changement de nom n’est pas qu’un simple rebranding, mais la déclaration ultime d’un virage stratégique total vers le « bitcoin standard ».
Cependant, à l’approche du quatrième trimestre 2025, avec l’accentuation de la volatilité du marché et les potentielles modifications des règles des sociétés d’indexation, ce modèle qualifié par son fondateur Michael Saylor d’« innovation financière révolutionnaire » fait face à son épreuve la plus sévère depuis son lancement en 2020.
Alors, d’où vient réellement l’argent de MicroStrategy ? Son modèle économique est-il durable ? Où se situe le plus grand risque ?
De société de logiciels à « banque bitcoin »
En 2025, MicroStrategy a officiellement changé de nom pour devenir Strategy Inc., marquant ainsi une transformation totale de son identité.
La logique centrale de cette entreprise n’est pas complexe : exploiter la prime de sa valorisation boursière par rapport à la valeur nette de ses bitcoins, afin de lever continuellement des fonds pour acheter plus de bitcoins, augmentant ainsi la quantité de bitcoins détenus par action.
En d’autres termes : tant que le marché valorise l’action MSTR plus cher que la valeur nette des bitcoins détenus, la société peut émettre de nouvelles actions pour acheter davantage de bitcoins, de sorte que chaque actionnaire existant détient plus de bitcoins par action.
Une fois enclenché, cet « effet flywheel » crée une boucle de rétroaction positive : hausse du cours → émission d’actions pour acheter des bitcoins → augmentation des avoirs en BTC → nouvelle hausse du cours.
Mais ce mécanisme repose sur une condition fatale : le cours de l’action doit rester supérieur à la valeur nette des bitcoins. Si cette prime disparaît, tout le modèle s’arrête net.
D’où vient l’argent ? Les « trois leviers » du financement
L’origine des fonds permettant à MicroStrategy d’acheter continuellement des bitcoins suscite la curiosité. L’analyse des documents 8-K déposés auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) permet d’identifier clairement que le modèle de financement de l’entreprise a évolué d’une simple obligation convertible à une matrice de capitaux diversifiée.
Premier levier : le programme ATM — une machine à imprimer la prime
La principale source de financement de MicroStrategy est l’émission au prix du marché de ses actions ordinaires de classe A (MSTR), via le programme At-the-Market (ATM).
Le fonctionnement est simple : lorsque le cours de l’action MSTR est supérieur à la valeur nette des bitcoins détenus, la société vend de nouvelles actions sur le marché et utilise le produit pour acheter des bitcoins.
Entre le 8 et le 14 décembre 2025, la société a vendu plus de 4,7 millions d’actions MSTR, générant un produit net d’environ 888,2 millions de dollars.
L’attrait de ce mode de financement réside dans le fait que, tant que le cours reste supérieur à la valeur nette des bitcoins, chaque émission d’actions est « relutive » pour les actionnaires existants, et non dilutive.
Deuxième levier : la matrice des actions privilégiées perpétuelles
En 2025, MicroStrategy a franchi une étape importante dans l’innovation de ses instruments de capital, en lançant une série d’actions privilégiées perpétuelles pour attirer des investisseurs aux profils de risque variés.
En une seule semaine de décembre, ces actions privilégiées ont permis de lever 82,2 millions de dollars auprès de STRD.
Ces actions privilégiées sont généralement structurées comme des dividendes « de retour de capital », ce qui est fiscalement attractif pour les investisseurs car cela permet de différer l’imposition pendant au moins dix ans.
Troisième levier : le « plan 42/42 » — une ambition de 84 milliards de dollars
MicroStrategy est actuellement en phase d’exécution de son ambitieux « plan 42/42 ».
Ce plan vise, entre 2025 et 2027, à lever 42 milliards de dollars par émission d’actions et 42 milliards de dollars par titres à revenu fixe, soit un total de 84 milliards de dollars, entièrement destinés à l’achat de bitcoins.
Ce plan est une version améliorée du précédent « plan 21/21 », reflétant la grande confiance de la direction dans la capacité du marché à absorber ses titres. Cette opération de capital à grande échelle fait de MicroStrategy un fonds fermé offrant une exposition au bitcoin avec effet de levier, mais la structure d’une société d’exploitation lui confère une flexibilité de financement que les fonds traditionnels n’ont pas.
La vérité sur les rumeurs de « vente de bitcoins »
Récemment, des rumeurs de vente de bitcoins par MicroStrategy ont circulé sur le marché, mais elles ne résistent pas à l’examen des données financières et des preuves on-chain.
Mi-novembre et début décembre 2025, des outils de surveillance on-chain (tels que ArkhamIntelligence) ont observé d’importants transferts d’actifs depuis des portefeuilles contrôlés par MicroStrategy. Les données montrent qu’environ 43 415 bitcoins (d’une valeur d’environ 4,26 milliards de dollars) ont été transférés d’adresses connues vers plus de 100 nouvelles adresses. Cela a provoqué une panique sur les réseaux sociaux, faisant chuter le prix du bitcoin sous les 95 000 dollars.
Cependant, des audits professionnels et les clarifications de la direction ont montré qu’il ne s’agissait pas d’une vente, mais d’une opération normale de « rotation de dépositaire et de portefeuille ». Pour réduire le risque de crédit lié à un seul dépositaire et renforcer la sécurité, MicroStrategy a réparti ses actifs sur davantage d’adresses défensives, au lieu de les laisser sur des plateformes traditionnelles comme Coinbase Custody. Arkham a précisé que ce type d’opération répond généralement à des besoins de sécurité liés au rafraîchissement des adresses, et non à une liquidation d’actifs.
Michael Saylor, président exécutif de MicroStrategy, a démenti à plusieurs reprises ces rumeurs, déclarant publiquement sur Twitter et lors d’une interview sur CNBC en décembre : « Nous achetons, et à grande échelle ».
En réalité, la société a acquis 10 645 bitcoins lors de la deuxième semaine de décembre, à un prix moyen de 92 098 dollars par bitcoin, réfutant ainsi directement les spéculations de vente.
De plus, la constitution récente d’une réserve de 1,44 milliard de dollars (USD Reserve) prouve que la société n’a pas besoin de vendre des bitcoins pour payer des dividendes ou des intérêts sur la dette, cette réserve couvrant au moins 21 mois de dépenses financières.
Une activité logicielle négligée
Bien que les transactions sur le bitcoin monopolisent l’attention, l’activité logicielle de MicroStrategy reste la base essentielle pour maintenir son statut de société cotée et couvrir ses frais financiers courants.
Au troisième trimestre 2025, le chiffre d’affaires total de l’activité logicielle s’est élevé à 128,7 millions de dollars, en hausse de 10,9 % sur un an, dépassant les attentes du marché.

Bien que les revenus d’abonnement aient fortement augmenté, les investissements continus dans la R&D en IA et dans l’infrastructure cloud ont empêché cette activité de générer un flux de trésorerie opérationnel positif au premier semestre 2025. Le free cash-flow du T3 était négatif de 45,61 millions de dollars, ce qui signifie que l’entreprise reste déficitaire sur le plan opérationnel et que l’accumulation continue de bitcoins dépend entièrement du financement externe.
Depuis le 1er janvier 2025, MicroStrategy applique la norme ASU 2023-08, qui impose la réévaluation des avoirs en bitcoins à la juste valeur et l’enregistrement des variations dans le résultat net de la période. Ce changement rend les bénéfices comptables de l’entreprise extrêmement volatils. Au T3 2025, grâce à la hausse du prix du bitcoin, la société a enregistré 3,89 milliards de dollars de gains non réalisés, portant le bénéfice net trimestriel à 2,8 milliards de dollars.
Les trois épées de Damoclès suspendues au-dessus de la tête
Bien que MicroStrategy ait réduit le risque de liquidation forcée à court terme grâce à des montages financiers complexes, elle reste exposée à plusieurs risques systémiques susceptibles d’ébranler ses fondations.
Risque 1 : Exclusion des indices MSCI
Le risque le plus immédiat auquel MicroStrategy est confrontée provient de l’examen des sociétés d’indexation MSCI.
MSCI a lancé une consultation officielle proposant de reclasser les entreprises dont les actifs numériques dépassent 50 % du total des actifs en tant qu’« instruments d’investissement » plutôt que « sociétés d’exploitation ». Étant donné que les bitcoins représentent la majeure partie des actifs de MicroStrategy, si cette règle est adoptée, la société sera exclue de l’indice MSCI Global Investable Market Index (GIMI).
Une telle exclusion pourrait forcer les fonds indiciels passifs à vendre entre 2,8 et 8,8 milliards de dollars d’actions. Cette vente massive pèserait directement sur le cours de l’action, comprimant la prime de la NAV de MSTR. Si la prime disparaît ou se transforme en décote, le « flywheel » d’émission d’actions pour acheter des bitcoins s’arrêtera complètement.
Risque 2 : Compression de la prime NAV et arrêt du financement
Toute la logique d’accumulation de MicroStrategy repose sur la volonté du marché de payer une prime supérieure à la valeur nette de ses actifs.
Fin 2025, cette prime s’est révélée extrêmement instable. Début décembre, en raison des craintes d’exclusion des indices, MSTR s’est négociée avec une décote de 11 % par rapport à la valeur de ses bitcoins détenus.
Lorsque l’action se négocie avec une décote, toute nouvelle levée de fonds par émission d’actions dilue la quantité de bitcoins détenus par action, ce qui oblige la société à cesser d’accumuler des actifs, voire à faire face à des doutes des créanciers sur l’intégrité de ses actifs. MicroStrategy a suspendu pour la première fois son programme ATM en septembre 2025, reflétant la grande sensibilité de la direction à la valorisation.
Risque 3 : Pression de la dette et prix théorique de liquidation
À la fin du troisième trimestre 2025, la dette totale de MicroStrategy s’élevait à environ 8,24 milliards de dollars, avec un paiement d’intérêts annuel d’environ 36,8 millions de dollars, tandis que les dividendes sur actions privilégiées atteignaient 638,7 millions de dollars par an.
Bien que ses obligations convertibles ne comportent pas de clause de nantissement en bitcoins, réduisant ainsi le risque de « liquidation forcée » en cas de chute du marché, une baisse extrême du prix du bitcoin mettrait à l’épreuve la capacité de remboursement de la société.
Résumé
La situation de MicroStrategy fin 2025 illustre de façon vivante les opportunités et défis auxquels une entreprise est confrontée lorsqu’elle tente de redéfinir les frontières de la finance d’entreprise.
Son intention de continuer à accumuler des bitcoins reste inchangée, et la constitution d’une réserve de 1,44 milliard de dollars lui a permis de bâtir un rempart contre un éventuel hiver de liquidité.
Cependant, le plus grand risque pour MicroStrategy ne vient pas de la volatilité du prix du bitcoin lui-même, mais des points de connexion avec le système financier traditionnel — à savoir, son statut dans les indices et la prime de la NAV.
Si des institutions comme MSCI décident finalement de l’exclure de la catégorie des actions traditionnelles, MicroStrategy devra trouver un moyen de prouver aux investisseurs qu’en tant que « plateforme de financement structuré adossée au bitcoin », elle peut continuer à croître indépendamment des flux passifs liés aux indices.
La poursuite du « plan 42/42 » dépendra de sa capacité à continuer de créer des produits de rendement attractifs pour les investisseurs institutionnels dans le processus de financiarisation du bitcoin, tout en maintenant un minimum de respectabilité financière au sein de la transformation cloud de son activité logicielle.
Il ne s’agit pas seulement de l’expérience d’une seule entreprise, mais d’un microcosme du processus de fusion entre l’industrie crypto et le système financier traditionnel.
Dans ce pari sans précédent, une seule chose est certaine : personne ne connaît la fin de cette histoire.
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